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Les enjeux éthiques & juridiques de l’utilisation des nouvelles techniques de séquençage en oncogénétique

Les nouvelles techniques de séquençage du génome permettent de générer une large connaissance des altérations du génome chez des patients. Ces connaissances ne sont pas encore toutes interprétables et ne peuvent pas toutes donner lieu à une prise en charge médicale.

 

Toutefois, il existe maintenant de nombreuses plateformes technologiques à la disposition des professionnels de santé et des chercheurs, qui développent des tests génétiques notamment dans le cadre des cancers féminins.

 

Si ces techniques sont en cours de validation pour leur utilisation en clinique, il n’en reste pas moins que de nombreuses questions subsistent quant à l’interprétation de ces données massives, à leur utilisation en pratique ou encore quant aux enjeux qui pourront être soulevés pour les droits des patients.

 

Madame Rial Sebbag, juriste à L’inserm et monsieur Derbez, sociologue à l’université de Brest, les auteurs de l’étude tentent de décrypter les enjeux juridiques et les pratiques des professionnels face à l’utilisation de ces technologies innovantes dans le cadre des consultations d’oncogénétique pour les cancers de la femme (sein et ovaires).

 

TERRAIN – ÉTHIQUE : QUELLES PROBLÉMATIQUES ?

 

Cliniciens, généticiens, conseillers en génétique et biologistes espèrent beaucoup du passage à la technologie du séquençage haut débit*. Ils reconnaissent cependant que son utilisation soulève de nombreuses questions éthiques nouvelles ou amplifiées par rapport aux techniques précédentes.

La vitesse d’analyse est considérée comme un atout majeur car elle réduit le temps d’attente des probants (les patients), permet de collecter massivement des données concernant des gènes suspectés à étudier et d’affiner les calculs de risques tumoraux associés à chaque gène. Le corollaire étant une augmentation de la complexité de l’information à fournir et la gestion des résultats incidents qui apportent des éléments non attendus. Par ailleurs, le développement de ces nouvelles plateformes de séquençage est susceptible de générer des conflits de territoires et de difficulté à accéder à ces technologies.

Parmi les questions éthiques, que posent les prescripteurs celles des « découvertes fortuites », qui fournissent des résultats sans rapport avec l’indication de la prescription, non immédiatement pertinentes pour le patient. Quel maillon de la chaîne doit décider que tel ou tel variant doit ou ne doit pas être rendu : le biologiste ou le généticien et sur quels critères ? L’enquête a pu montrer que ce point n’est aujourd’hui pas toujours réglé, souvent subi ou non réfléchi par les équipes.

La qualité de l’information et des consentements sont également des sujets de préoccupations majeurs pour les professionnels. Ils se posent notamment les questions suivantes : le patient a-t-il pleinement conscience, au moment de signer un consentement, des incertitudes qui entoureront les résultats de son test ? En effet, il s’agit désormais de consentir à l’analyse de gènes de prédisposition nombreux et qui parfois, ne les concernent pas au regard de leur histoire personnelle et familiale.

Les conséquences seront identiques avec le glissement opéré actuellement entre le séquençage haut débit somatique (prescrit par les oncologues médicaux dans le cadre de traitements personnalisés) et le séquençage haut débit constitutionnel (détection de prédispositions héritables sur l’ADN natif des individus). Entre la démarche thérapeutique personnelle (adapter un traitement) et l’analyse préventive familiale, le pas à franchir est d’autant plus grand que les gènes testés ne concernent plus seulement la pathologie initiale mais un ensemble beaucoup plus vaste et incertain de prédispositions génétiques

 

PRÉDICTION JURIDIQUE OU VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR LES PATIENTS ?

 

Après un rappel de la réglementation française et européenne sur les conditions de réalisation de l’examen des caractéristiques génétiques, comme les droits à prescrire, à analyser, l’obligation à informer et à obtenir le consentement du patient, les auteurs soulèvent un certain nombre de questions juridiques et sociales que soulèvent la généralisation des techniques NGS.

« Quel est l’intérêt du séquençage total pour la personne ? Que valent ces informations génétiques en termes de diagnostic, de pronostic, de prévention ou de soins ? »

S’il existe de réels bénéfices pour le patient à la généralisation de ces techniques notamment par l’analyse plus rapide et plus complète de l’ADN, les règles juridiques présentes à l’ensemble des étapes de l’analyse (de la prescription du test génétique, au retour de résultats, à l’utilisation de ces données, voire à leur réutilisation) ne sont pas en adéquation avec la pratique.

Cette conclusion n’est, normalement que temporaire puisque des groupes de travail essaient d’établir des réponses juridiques et éthiques aux pratiques déjà en cours.

Si ce constat peut apparaître quelque peu « inquiétant », il convient de rappeler que le droit intervient, dans la plupart des cas, afin de répondre à des problématiques déjà présentes. Il n’est pas question de faire de la « prédiction juridique » ni de « bloquer les évolutions technologiques », il est simplement nécessaire de l’encadrer afin que le plus grand nombre de patients puissent en bénéficier.

 

“Prétendre aborder la maladie en l’utilisant que l’information contenue dans le génome, c’est un peu comme essayer de travailler avec une main attachée dans le dos.”

Comité Consultatif National d’Éthique

Les auteurs terminent leurs études une note optimiste et une recommandation : l’utilisation de ces technologies innovantes en oncogénétique représente une véritable opportunité. Elles contribuent au développement des thérapies ciblées dans le traitement des cancers et semblent être particulièrement adaptées à de grandes cohortes de malades pour la recherche de mutation de maladies monogéniques. Attention, selon le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), l’apparition d’une maladie est donc rarement le fait unique de la génétique.

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